Bonjour !
Hier soir, j’ai assisté au spectacle donné par l’écrivain, metteur en scène et acteur congolais Dieudonné Niangouna et l’accordéoniste Pascal Contet.
L’article du journal annonçait l’événement en affirmant « Un spectacle dont on ne sort pas indemne »… Il disait vrai !
Dieudonné Niangouna a survécu aux trois guerres qu’a connues le Congo-Brazzaville entre 1993 et 2000.
Il raconte, non, il dit son voyage à travers le pays ensanglanté. Il dit les barricades qu’il a dû traverser.
Il dit les massacres, les têtes exposées sur des perches. Il dit les exécutions sommaires des hommes, les viols puis les assassinats des femmes.
Il dit comment il a échappé de peu à l’exécution pour avoir « pissé contre le mur d’un immeuble officiel ».
Il dit la faim. Il dit les cadavres (la viande) amoncelés sous le soleil. Il dit la puanteur. Il dit la mémoire (ou le retour ?) du cannibalisme.
Il dit les canons des « Kalachnikov » enfoncés dans son dos, les coups de pieds, les insultes endurées.
Il dit la boue, les crocodiles, les buffles en plus des soldats, des assassins auxquels il faut échapper, les fleuves qu’il faut traverser.
Il dit sa peur qui se transforme en une colère terrible.
Il dit sa honte d’être encore en vie alors que tant sont morts, innocents.
Et cette colère et cette honte, qu’il ne peut garder pour lui, se transforment en un texte, en un livre, en un spectacle.
Dieudonné Niangouna est beau et impressionnant dans cette peur-colère-honte. Les mots sortent de sa bouche tantôt doux, calmes, à peine audibles, tantôt en cataracte, en cris et il faut s’accrocher pour en perdre le moins possible. Parce que j’en ai perdu des mots, une grande quantité. Comme tous les spectateurs certainement.
Et Pascal Contet ? Eh bien il n’accompagne pas. Il participe, il appuie les mots, il les souligne, il les renforce. Il joue tantôt debout, tantôt assis, ils se transforme en DJ et bidouille une platine tourne-disque pour produire des bruitages.
Dieudonné et Pascal ne font plus qu’un personnage. Ils ont vécu l’horreur ensemble !
Après le spectacle, je bois un verre avec Serge Broillet et quelques amis. Pascal nous rejoint. Ça fait plusieurs années que nous ne nous sommes plus rencontrés.
Il m’apprend qu’il n’habite plus Belfort, mais Paris. Il n’enseigne plus à Berne, ni à Bienne, il n’enseigne plus tout court. Il tourne avec ce spectacle et avec d’autres. Son exposition est, pour le moment, dans le Nord de la France, mais ne bouge plus beaucoup.
Il a un nouvel accordéon de concert, un Ballone Burini. C’est un magnifique instrument mauve foncé, à paillettes discrètes. Il pèse une quinzaine de kilos. Pascal n’a pas voulu de la « grille » traditionnelle avec une lyre découpée, c’est trop rétro. Il a exigé et obtenu une « grille » spéciale représentant les deux B stylisés. Il a voulu et obtenu un accordéon mat. Afin que les projecteurs ne se reflètent pas sur l’instrument.
Pascal est enfin reconnu, apprécié et il peut exiger... Quand nous serons des vedettes, nous pourrons aussi exiger…
Dieudonné se joint à nous, étrangement calme après son énorme colère. Il nous parle de leurs voyages avec ce spectacle à travers l’Afrique. Il nous parle des amis qu’ils se sont faits là-bas. Il nous parle des spectateurs enthousiastes, mais aussi des spectateurs indifférents selon les pays, les régions. Il nous parle de leurs drôles de rencontres, de leurs drôles de repas,
Et Pascal écoute, le sourire mi-amusé, mi-dégoûté. Oui, il a dû manger des lézards, du caïman, des chenilles…
Voilà les amis, je suis allé voir ce spectacle sans grand entrain. Je désirais surtout revoir Pascal.
En plus, j’ai appris ce qui s’est passé au Congo et également ce qui se passe aujourd’hui en Afrique.
Et j’ai rencontré un homme désireux de le dire au monde entier…
Ce spectacle a également été présenté à Paris et dans quelques pays d’Europe. Il semble qu’il sera présenté à Genève dans le courant de l’année.
Surveillez les journaux !
Au revoir !
Charlan